Cette série rentre dans le cadre d’une résidence éducative auprès de jeunes en terminale CGEA au lycée agricole de Durdat Larequille qui s’est déroulée sur 3 mois entre janvier et mars 2015.
Le but étant de sensibiliser les jeunes à la culture artistique, le contact avec un artiste et comment produire puis exposer un travail de création. Etant musicien de formation, j’ai choisi l’image pour partager mon ressenti intérieur et mon questionnement permanent, comment formaliser la dualité de la vie, dans cette intensité et cette fugacité de l’existence par cette perception du monde si singulière qu'est le regard. L’outil le plus fascinant pour moi a toujours été l’appareil photo et la chambre photographique, premier appareil utilisé dans l’histoire pour enregistrer cette trace lumineuse.
C’est donc vers la déclinaison simple de cette chambre que je me suis orienté pour cette résidence, pour faire comprendre aux jeunes le caractère à la fois magique et physique de cette capture, une boite de Ricoré percée d’un petit trou, le sténopé.
Les jeunes dubitatifs ont été difficiles à motiver mais se sont finalement pris au jeu en fabricant leurs boites et ont commencés à comprendre l’intérêt de laisser la boite enregistrer le réel pendant un temps de pause long, sans voir le cadrage mais en ressentant l’espace. Le déclic a été l’impulsion donné par un selfie spontané qui les a cloué en silence devant la boite 30 secondes mais aussi devant le résultat au sortir du bain du révélateur. Comme si la présence de l’image un peu floue redonnait de la valeur à leur présence, à leur jeu mais également à leur imaginaire.
De mon côté, j’ai utilisé une chambre photographique munie d’un sténopé, pour faire une nouvelle fois l’expérience visuelle de captation du paysage. Le résultat est cette série qui ne se veut pas descriptive d’un territoire bien que très réduit dans le nord des Combrailles, entre Commentry et Marcillat, mais révélateur d’une expression de l’émotion devant l’apparition de la lumière, dans sa plus pure écriture. En effet, je ne vois pas le cadre dans l’appareil, je pose ma chambre à une distance et selon un point de vue qui me paraît le plus juste pour être en lien avec l’indicible, la présence mystérieuse et simple du paysage, de l’eau, du vent, de la terre, c’est à dire du vivant.
Comme un haïku, chaque image est un réceptacle à l’éphémère sensation de l’instant, même si le temps de pause est long, dans une sensualité presque palpable, rétinienne.
La vision devient alors singulière et unique aussi subreptice que voilée. Ce qui compte, c’est la simple perception et l’outil, qui demande juste à être posé comme une simple boite, exige un détachement à la technologie, un lâcher prise vis à vis du flou, de la représentation, une possible attente de l’accident, et une confiance en soi, un lien avec la nature et au final, une rencontre avec l’émerveillement, avec le temps suspendu...
Sténopés
série argentique, tirages 20-25 cm sur papier Hahnemühle Fine art Rice paper 100g 100% cellulose, contrecollée sur dibond, cadres sur mesure, fond museum archivage blanc neutre, bois encre de chine ciré, verre antireflet respectant les teintes, 10 exemplaires numérotés signés, 300 €.
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